Dans La lecture en éclats, publié dans la revue Arguments l'an passé [3400 mots / 15 min], il soutient que "'hypertexte donne au lecteur la même liberté de coq-à -l'âne que la conversation familière". La lecture, on s'en doute maintenant, serait influencée par le support.
Première victime de la "technologie"
Le rouleau de papyrus, par exemple, qui fut durant trois mille ans le support de l'écrit, a été remisé aussitôt le codex apparu. Cet ancêtre de notre livre actuel ayant montré qu'il était meilleur support pour la lecture, nous raconte le professeur au Département de français de l'Université d'Ottawa. Le livre, alors, restera-t-il au côté de l'ordinateur? Il ne va jusqu'Ã annoncer sa disparition.
Ce qu'il fait par contre c'est de décrire le déploiement de la lecture courte et le retranchement de la lecture profonde causé par les nouvelles technologies.
"Le livre étant une totalité finie, il propose implicitement un contrat de lecture qui va de la première à la dernière page." "L'imprimerie a fait de la lecture une activité privée".
"Le roman est [...] le livre par excellence, que le lecteur va lire de la première à la dernière page et dans lequel il peut se laisser absorber au point de perdre toute conscience du monde extérieur."
Cette activité de lecture de la continuité, sur lequel reposait le livre, a volé en éclat. L'art du romancier a comme base le temps, et consiste à retarder le dénouement tout en le faisant désirer de plus en plus fortement, dit-il. La lecture profonde demande un abandon.
L'écran superficiel
Mais on ne lit pas de livre à l'écran. Du moins, premièrement, l'équipement actuel n'autorise ni un confort visuel, ni une aisance dans la position de lecture et deuxièmement l'offre interactive ou sociale se trouvant souvent à un clic, il y a peu de chance que Proust ou Tolstoï puissent compétitionner avec Facebook, YouTube ou vos courriels.
Vanderdorpe appelle cet espace un "espace de séduction" où abondent icônes et couleurs, alertes et correspondance qui ont l'heur de distraire le lecteur de l'attention cognitivement exigeant que la véritable lecture de fond requiert. (Avez-vous réussi à tenir jusqu'ici sans basculer la fenêtre de zéroseconde?)
Lire comme on converse
"L'art d'écrire, tout comme celui de raconter, consistait jusqu'ici à créer des attentes chez le lecteur pour ensuite les satisfaire." rajoute l'auteur, or l'hypertexte offre des occasion à un interlocuteur pour facilement "saisir au bond un élément quelconque pour changer le sujet en suivant ses jeux d'association."
La "conversation" caractérisant le "web 2.0" trouve ainsi sa source.
"[L]e lecteur cédera facilement à la tentation de changer de sujet, de soulager la tension mentale que pose sa lecture en dérivant sur un sujet connexe". Ce qui est l'apanage de la lecture courte.
"[U]ne lecture «en immersion», mobilisant totalement l'imaginaire du lecteur sur une longue période de temps" est la caractéristique de la lecture profonde.
Avec l'arrivée imminente des tablettes et l'amélioration des lectrices electroniques, pourra-t-on revoir resurgir une lecture profonde qui "est une excellente école pour entraîner la mémoire, l'attention au détail et la capacité de synthèse"?
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Image : Superbomba
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